Maire-info
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Édition du mercredi 2 juin 2021
Services publics

Service universel postal : un rapport préconise à l'Etat de combler le déficit de La Poste

Alors que le service universel postal est déficitaire depuis 2018 et que la crise sanitaire a accentué encore ces difficultés financières, l'ancien député du Lot, Jean Launay, propose de taxer les opérateurs de télécommunications et de mettre à contribution l'Etat. L'AMF demande également à ce dernier de « garantir au plus vite » le financement des missions de service public de La Poste.

Par A.W.

Faudra-t-il taxer les opérateurs de télécommunications et piocher dans le budget de l'État pour combler le déficit du service universel postal ? C’est, en tout cas, ce que préconise l'ancien député du Lot Jean Launay, dans un rapport remis, la semaine dernière, au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, dans lequel il propose des solutions au maintien d’une présence postale de qualité sur l’ensemble du territoire et des évolutions aux missions de service public de La Poste.

Effondrement des volumes de courriers

Car la baisse importante du nombre de lettres envoyées depuis plusieurs années - non compensée par l'essor des colis - met à mal la situation financière de l’opérateur. Une situation qui a été aggravée par la crise sanitaire.
Les volumes de courriers ont ainsi chuté de 39 % entre 2010 et 2020, La Poste voyant son chiffre d'affaires dédié à ce marché passer de 41 % du chiffre global du groupe à 18,7 % en 2020. Résultat, le service universel postal, imposé par la loi, est déficitaire depuis 2018 avec un trou qui s'est creusé à 1,32 milliard d'euros l'an dernier. 
« Depuis 2018, chaque année, c’est un demi-milliard de volume de chiffre d’affaires qui disparaît », souligne l’ancien député. Sans compter, que « la pandémie “coûte”, en 2020, un milliard d’euros de chiffre d’affaires en plus du demi-milliard de perte annuelle, qu’il est impossible de rattraper. D’ici 2025, près de 5 milliards de valeur seront détruits ».
« Une situation qui remet ainsi en cause la pérennité »  du service universel postal, écrit Jean Launay qui prévoit que, « en absence d'une réforme, son déficit annuel projeté à 2025 serait de l'ordre de 0,9 milliard d'euros ». 
Si le rapporteur se dit convaincu « qu’il n’y a pas de contradiction pour une entreprise de porter des missions de service public et de se diversifier », il estime que « dans le cas de La Poste la réalité des sous-compensations massives des missions de service public qui lui sont confiées devient insoutenable ». Et d’affirmer qu’« aucune entreprise ne peut porter dans son modèle économique un déficit annuel approchant 1 milliard d’euros pour les missions de service public qui lui sont confiées ».  

Adaptations

Si Jean Launay préconise de préserver certains des principes de fonctionnement actuels du service universel postal (une distribution du courrier six jours sur sept, la présence d’un réseau de points de contacts important ou encore le maintien d’une politique tarifaire raisonnable), il invite à quelques adaptations.
« En raison de sa faible utilisation et de son coût élevé, la question de l'avenir du J + 1 (livraison le lendemain, NDLR) doit être posée »  pour limiter le déficit, note le rapporteur, faisant référence au « timbre rouge »  particulièrement concurrencé par les échanges électroniques, que chaque ménage a utilisé 5 fois l'an dernier, contre 45 fois en 2008. 
On pourrait selon lui envisager à la place « une modalité hybride, consistant à pouvoir adresser un courrier en format digital sur Laposte.fr, qui sera rematérialisé dans la nuit par La Poste, et distribué dès le lendemain par le facteur ». 
Quand bien même les délais de livraison seraient revus, « le maintien d'une distribution du courrier et du colis six jours sur sept est un impératif », souligne Jean Launay, également soucieux de garder des tarifs « raisonnables ».
« L’évolution de son modèle économique doit impérativement préserver son ancrage territorial unique qui fait de La Poste la plus dense implantation du service public derrière celle des mairies », a également défendu l’AMF dans un communiqué publié hier dans lequel elle demande à l'Etat de « garantir au plus vite »  le financement des missions de service public de La Poste.

Adopter une « dotation complémentaire » 

Afin d’assurer celui-ci, Jean Launay suggère d'exonérer les prestations du service postal universel de la taxe sur les salaires (270 millions), d'élargir la taxe sur les opérateurs de communication électronique (Toce) et de voter une « dotation budgétaire annuelle complémentaire ».
Celle-ci porterait sur les missions de service universel postal et d’aménagement du territoire et permettrait de combler le déficit prévisionnel supplémentaire. Sur ce point, Jean Launay est particulièrement pressant : « Pour 2021, les dotations nécessaires ne peuvent attendre et doivent être intégrées dès la prochaine loi de finances rectificative (présentée ce matin en Conseil des ministres, NDLR). Le traitement du sujet du déficit des missions de service public d'une année ne peut être renvoyé à l'année suivante ; il en va de la lisibilité de la sincérité des comptes de l'entreprise et de la sincérité de l'État, qui plus est actionnaire ».

L’abattement sur la taxe foncière écarté

Face à « l’hostilité des représentants des collectivités locales », le rapporteur a écarté la piste qui visait à augmenter « au-delà de 10 % actuellement permis par la loi »  le montant de l’abattement sur les bases d’imposition de la taxe foncière sur les immeubles de La Poste. Une mesure qui aurait permis d’« alimenter le fonds postal de péréquation territoriale », mais aussi de « couvrir les dépenses engagées par les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) au 1er octobre de chaque année »  lorsque les autres sources de financement sont insuffisantes.  
Ce recours est « à juste titre écarté », s’est réjoui l’AMF, qui estime que « cela reviendrait à faire porter aux collectivités le coût de la compensation (de la baisse des impôts de production) à la charge de l’Etat ». L’association rappelle, d’ailleurs, qu’elle « attend également de l’Etat qu’il s’engage, dans la prochaine loi de finances rectificative pour 2021, à garantir les ressources du fonds postal national de péréquation territorial à hauteur de 174 millions d’euros pour compenser la baisse des impôts de production dont l’impact direct est négatif sur le financement de la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste ». 

Les attentes des élus locaux

Concernant le versement des prestations sociales, autre mission de service public assurées par La Poste, l’ancien député fait part du « besoin ardent exprimé par les élus pour que l’Etat donne les moyens à La Poste de continuer cette mission ».
Interrogés dans le cadre de ce rapport, les élus locaux ont exprimé une multitude de besoins. A la fois concernant « l’accompagnement des personnes âgées », « l’inclusion et la transition numériques », « les circuits courts et l’économie de proximité »  pour ce qui est de l’Assemblée des départements de France et Régions de France, mais aussi concernant « le soutien à l’économie locale »  et « les services de proximité », du côté de l’AMF.
En matière de diversification possible pour l’opérateur, cette dernière a mis en avant « le lien social du facteur, le portage à domicile, la réalisation de démarches administratives (encaissement des impôts, amendes, frais de cantine, de crèche...), la lutte contre l’illectronisme et la promotion de l’identité numérique ». L’ADF et Régions de France préconisent également à La Poste de devenir « “le logisticien de la proximité”, d’assurer les services du quotidien à domicile, de financer les entreprises et les investissements publics ».

Télécharger le rapport.

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